Algéroisement......vôtre




   Souvenirs  d’enfance  à  Alger.
   Texte de M. Henri Batteau.   (Vers 1930).



Très souvent,
  • surtout aux beaux jours,  Maman venait nous chercher tous deux,  mon frère et moi,
    à la porte de l’école et nous partions en ville pour aller attendre mon père à la sortie de son travail.
     
  • Selon l’humeur,  ou la météo du jour,
    nous allions à pied,  en descendant par le Champs de Manœuvres et la rue Sadi Carnot.
    Parfois,  nous prenions l’autobus au terminus du  « Paté »  à cent mètres de l’hôpital Mustapha.
     
  • Cet autobus portait le numéro 26, et aux alentours de cette année 1930,
    l’année du Centenaire,  les véhicules étaient absolument semblables aux autobus parisiens,
    avec une plate-forme arrière à l’air libre,  par laquelle s’opérait la montée des voyageurs,
    une marche et une chaîne de sécurité,   tout à fait comme à Paris.

Autobus,   tout à fait comme à Paris !

autobus parisien 1928.


Ces autobus
  • appartenaient à  la Compagnie des T.A.   :     Tramways Algérois.
    Ils étaient peints en vert.
     
  • Les tramways,  eux,  comportaient une motrice fermée et une remorque du type  « baladeuse ».
    C’est-à-dire ouverte à tous les vents,  avec un marchepied qui courait tout au long de la voiture,
    ce qui permettait de monter en n’importe quel point et de s’asseoir directement sur les sièges de bois vernis,
    dont les dossiers,  par un simple mouvement de bascule,  pouvaient être disposés dans l’un ou l’autre sens
    de la marche de sorte que jamais personne ne tournait le dos à la direction prise par le convoi.

Les T.A. desservaient un itinéraire bien précis.
  • Partant de la Colonne Voirol,  c’est-à-dire tout en haut de Mustapha Supérieur,
    aux portes de Birmandreïs,  ils empruntaient l’interminable rue Michelet,  par le Palais du Gouverneur,
    le Parc de Galand, et la partie haute du boulevard Victor Hugo,  débouchaient,  au niveau des Facultés,
    sur le plein centre de la ville,  à hauteur de cette splendide Grand’Poste en style mauresque,  laquelle,
    faisait face au boulevard Laferrière qui s’élevait en pente rapide vers  le Monument aux Morts,
    avec,  à sa droite la « Dépêche Algérienne ».

Les   tramways,    rue Michelet.

le tramways, rue Michelet


Passé la Poste,
  • le train obliquait sur sa gauche pour emprunter la prestigieuse rue d’Isly,
    cœur véritable de la partie européenne de la ville,  longue d’un bon kilomètre,  la rue d’Isly était bordée
    de commerces de luxe et de Grands Magasins   :
     
      • Les Galeries de France
      • Le Bon Marché
      • La Librairie Baconnier
      • L’agence de voyages     « At water Tourist Agency »

    et les Pakistanais   « Promul Brothers »
    qui vendaient des tapis et dont le magasin exhalait des odeurs d’encens et de parfums d’Orient.
     
  • Cette rue d’Isly
    changeait de nom dans sa dernière partie,  Elle s’appelait alors rue Dumont d’Urville,  Elle s’apparentait
    à une sorte de rampe plongeant sur la Place de l’Opéra, juste derrière le Square Bresson.

Les   tramways,    rue Dumont d' Urville.

alger, le tramways, rue Dumont d'Urville


A partir de là,  notre fidèle T.A.,
  • se faufilait dans la rue Bab Azoun,
    une rue étroite,  à arcades,  dont la description mériterait à elle seule un chapitre spécial,
    au sortir de cette rue, on se trouvait sur l’un des côtés de la Place du Gouvernement.
     
  • En poursuivant, et en laissant à gauche une petite rue en pente qui menait à la Cathédrale,
    la rue du Divan,  on atteignait la rue Bab el Oued,  où s’engageait donc notre tramway pour se diriger
    vers ce célèbre faubourg,  non sans être passé près du Lycée d’Alger.
     
  • Le terminus se situait à la Place de Bab el Oued,
    d’où l’on pouvait trouver un vieil autobus brinquebalant qui montait à Notre-Dame d’Afrique.
     
  • J’ai gardé le souvenir de cités d’habitations populaires,
    d’où montaient une rumeur permanente,  des odeurs de cuisine et,  par-dessus tout,
    les accords d’un phonographe diffusant généreusement la scie du moment  :  « Ramona ».

    Je me demande,
    si jamais,  une chanson connut à Alger,  un tel succès que cette romance américaine,
    aux accents ibériques,  sans doute ce qui explique,  l’engouement des habitants de Bab el Oued.


Voilà donc pour les T.A.
  • qui avaient également développé deux ou trois lignes d’autobus,   dont celle dont j’ai parlé,
    plus un minibus qui avait son terminus à la Redoute.

Bus   montant   vers   Notre Dame d'Afrique.

bus montant vers Notre Dame d' Afrique.



La seconde compagnie de tramways
  • égalait la première en importance et,  dans le partage de la ville auquel il avait été procédé,
    lui était échu,  un itinéraire qui longeait la mer.     Il s’agissait de ce que tout le monde appelait :

        les  C.F.R.A.    c’est-à-dire les  Chemins de Fer sur Route Algériens.
     
  • Si l’on voulait prendre la route à l’une de ses extrémités,
    on pouvait,  par exemple,  partir des  « Deux Moulins »,  au-delà de Saint Eugène et de la Pointe Pescade, 
    c’est-à-dire à l’ouest d’Alger.
     
  • Partant de là,
    on traversait bien entendu tout ce faubourg de Saint Eugène,  à vrai dire une sorte de village,
    étalé le long du littoral,  étroitement contenu entre la mer et la colline de Notre Dame d’Afrique.

    Ca et là d’ailleurs,  au hasard des virages,  on apercevait en levant la tête la coupole de la Basilique
    plantée au bord de son mamelon,  d’où elle semblait vouloir s’élancer vers le grand large.

Le boulevard Front de mer et l' Avenue Malakoff avec les CFRA.

alger le  front de mer et  les CFRA  en 1930.


Au sortir de Saint Eugène,
  • on débouchait sur Bab el Oued,
    côté mer,  avec le stade de Saint Eugène où s’illustrait le  « Gallia Club »,  alors en pleine gloire,
    puis,  les Bains Matarès,  où toute une partie de la jeunesse algéroise allait se tremper et s’exhiber
    sur une plage minuscule,  la rue Borély la Sapie,  et puis le tramway empruntait une courbe à droite
    qui allait l’emmener en passant devant la Chambre de Commerce,  à la place du Gouvernement,
    mais de l’autre côté des rues Bab Azoun et Bab el Oued.
     
  • Longeant le mur de la Grande Mosquée,
    on trouvait aussi,  à droite,  la plus symbolique des mosquées,   La mosquée Djemâa el-Djedid,
    avec sa coupole blanche,  telle qu’elle apparaît sur toutes les vues d’ensemble de la ville d'Alger,
    prises du haut du Front de Mer.
     
  • On se trouvait là,
    à cent mètres d’un lieu marqué par un drame qui nous avait fortement impressionnés.
    Il s’agissait de « la catastrophe de la rue des Consuls ».

    Un vieil immeuble s’était effondré ensevelissant tous ses occupants,
    les obsèques des victimes avaient été suivies par toute une population algéroise frappée d’horreur.

La Place du Gouvernement et la chambre de commerce.

Place du cheval Alger les CFRA Alger.


Mais revenons à notre C.F.R.A.,
Le   cireur.                                        

alger, le cireur A la compagnie des C.F.R.A.,
  • les lourdes motrices étaient plus larges que celles
    des T.A. et les remorques étaient parfois fermées
    à mi-hauteur,  l’accès se faisant par des plates-formes
    à chaque extrémité.
     
  • Cette compagnie,
    peignait ses voitures en rouge brun et la destination
    était affichée au front du véhicule de tête,
    on lisait ainsi :
     
      • Maison Carrée
      • Marabout
      • Ruisseau
      • etc …

         
  • A partir de la Place du Gouvernement,
    la voie empruntait cette majestueuse artère qui
    portait les noms de Boulevard de la République,
    puis Boulevard Carnot,  mais que tout le monde,
    à Alger appelait le  « le Front de Mer ».
     
  • Sorte de boulevard suspendu,
    construit sur les locaux en arcades,  Le Front de Mer,
    surplombe le Port à quelques 25 mètres de haut et
    ne comporte donc qu’une seule façade d’immeubles.


Là encore,
  • des arcades,  une enfilade de hautes arcades abritant le trottoir et offrant aux passants une bienfaisante
    zone de fraîcheur  dans la fournaise de l’été algérois,  ou,  un abri providentiel les jours de trombes d’eau
    ou même de simples ondées.
     
  • Jalonné par les dégagements que présentent à son départ,
    la Place du Gouvernement  et,  plus loin,  le Square Bresson  bordé d’une haute rangée
    de palmiers,  le Front de Mer  offre au promeneur le panorama,  l’un des plus beaux du monde,
    de cette rade d’Alger,  presque totalement fermée par la bande du  Cap Matifou
    que l’on aperçoit juste en face.
     
  • Et pour celui qui arrive par la mer,
    l’alignement de ces deux kilomètres d’arcades sous des immeubles,  tous identiques,  de style Second Empire,  présente une façade qui n’a d’égale en France que La Baie des Anges à Nice.
    Encore celle-ci se trouve-t-elle au niveau de la mer,  alors qu’à Alger la promenade est en surélévation.

Le Bouleverd de la République et le square Bresson.

Bouleverd de la Republique CFRA Alger

 

Les Souvenirs d’enfance à Alger   se poursuivent ......             sur la page suivante ...



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