le sultan Soliman fait appeler son
grand-amiral, le grand vizir Ibrahim vient d'être sacrifié à la jalousie de la favorite Roxélane, et le sultan a besoin d'un bras solide sur lequel s'appuyer.
Le courtisan ne perdant jamais ses droits chez lui, Khayr al-Din Barberousse
exerce rapidement une influence prépondérante sur Soliman le Magnifique.
A la politique mesurée et habile du défunt vizir Ibrahim, politique qui, pendant quatorze ans, a fait la grandeur de l'Empire ottoman, ménageant l'Occident pour consolider les bases orientales de l'Empire, Barberousse fait succéder une politique violente et fanatique, il incite Soliman à se tourner contre Charles-Quint, et contre Venise, seuls obstacles, d'après lui, à la prépondérance navale du Croissant.
Un incident va provoquer la rupture de l'état de paix entre la Sublime Porte et la Sérénissime République, la galère ottomane, dans laquelle se trouvait un messager du sultan, ayant été capturée par les Vénitiens, Soliman, furieux, déchire
le traité de paix jadis passé avec Venise.
Effrayée, la Sérénissime République, se hâte de joindre sa cause, à celle
du pape Paul III, qui, non sans difficulté, s'efforce d'unir toutes les flottes de la chrétienté contre le Turc.
La forteresse San Angelo, possession vénitienne, sera le premier objectif de la campagne.
Le 25 août 1537, un corps expéditionnaire de 25.000 hommes et trente canons sont débarqués dans l'île de Corfou et lancé contre la forteresse, quatre jours plus tard, 25.000 hommes arrivent en renfort.
La forteresse résiste quatre assauts successifs sont lancés, les pertes dans les rangs ottomans sont très importantes, et les canons de la forteresse infligent de si grosses pertes à la flotte ottomane que Soliman donne l'ordre de la retraite.
Mille châteaux semblables ne valent pas la vie d'un seul de mes braves !
s'écrie-t-il.
Le Château Saint-Ange.
De retour à Constantinople, Soliman va préparer, pour le printemps suivant, une nouvelle expédition contre Venise.
Prévoyant un retour des hostilités, les flottes chrétiennes, qui ont enfin répondu à l'appel de Paul III, font voile vers Corfou, où elles doivent se réunir sous le commandement de l'amiral de Charles Quint, Andrea Doria.
Profitant de l'éloignement de Barberousse, trois galères pontificales opèrent quelques raids fructueux dans les iles de l'Archipel et, en particulier, à Mytilène, où elles ravagent méthodiquement la somptueuse villa qu'y possédait Barberousse.
Alarmé, le grand-amiral de la flotte ottomane enfreint les ordres du sultan, aucune bataille ne doit être livrée avant que ne soit achevée la construction des 150 galères qui se trouvent dans les chantiers de Constantinople.
Il part avec 40 vaisseaux visiter les Cyclades et les Sporades, qu'il met à feu et à sang.
Il s'acharne, en particulier, sur les riches domaines des nobles vénitiens et rentre à Constantinople offrir au sultan les fruits de cette expédition :
500.000 pièces d'or,
200 adolescents vêtus de pourpre et portant des flacons et des gobelets d'or et d'argent,
200 hommes succombant sous le poids de sacs d'or et d'étoffes précieuses.
En septembre 1538,
tandis que Khayr-al-Din Barberousse est à Nègrepont, où il approvisionne les 150 galères fraichement sorties des chantiers de Constantinople, les flottes d'Espagne, du Portugal, de Gênes, de Venise et des Etats pontificaux sont enfin réunies à Corfou, où elles attendent le combat.
Barberousse quitte la Corne d'Or quelques semaines plus tard, accompagné de ses plus redoutables corsaires, il arrive dans le golfe d'Arta, sur la côte Grecque, à une quinzaine de lieues au sud de Corfou.
Il jette l'ancre à la hauteur de la forteresse turque de Préveza, située à l'entrée de l'étroit goulet, Sinus Ambracius, qui s'ouvre sur ce golfe, c'est l'emplacement de l'antique Actium, où quinze siècles plus tôt sombra la fortune d'Antoine et de Cléopâtre, battus par Octave, lors de la célèbre bataille d'Actium, une victoire navale, qui mit fin à la république romaine.
La célèbre bataille d' Actium.
Qui sera vainqueur ?
A la recherche de la flotte ottomane, Andrea Doria parcourt la mer avec une force de 200 vaisseaux portant 250 canons et 60000 hommes, dès qu'il aperçoit la flotte turque ancrée dans la rade d'Arta, il donne l'ordre d'appareiller en ordre de bataille.
La flotte Chrétienne près de Préveza
Les galères pontificales avancent en tête, déployant leurs bannières jaunes marquées des clefs de Saint Pierre.
La flotte d'Espagne suit, avec ses oriflammes aux armes de Castille et d'Aragon.
La flotte de Venise forme l'arrière-garde avec ses gigantesques galions, véritables forteresses flottantes, pavoisées d'étendards au lion d'or de la Sérénissime République.
Tandis que les vaisseaux des flottes chrétiennes se mettent en rang de bataille, les gardes-chiourme préparent les galériens au combat, une distribution de pain, de vin, et de fromage leur est faite avant de les bâillonner au moyen d'une plaque de liège retenue sur la bouche par
deux rubans noués derrière la nuque.
Cette mesure est destinée à économiser leur souffle, qu'ils n'auraient pas manqué de gaspiller en cris et hurlements de peur et de détresse.
Andrea Doria hésite à engager ses lourds galions à travers l'étroit goulet, défendu non seulement par la forteresse turque de Préveza, mais aussi par un barrage de sable.
De son côté, Khayr al-Din Barberousse arpente nerveusement le pont de sa galère capitane, conscient de son infériorité numérique, il hésite à lancer ses vaisseaux à travers l'étroit chenal vers la haute mer.
Son regard se pose un instant sur l'eunuque du service secret de Soliman.
Une mort glorieuse n'est-elle pas préférable à un trépas honteux, Trépas qui l'attend si l'eunuque rapporte au Grand Seigneur qu'il a laissé sa flotte inactive ?
Pressé par ses lieutenants, tous hardis corsaires, de sortir du canal et d'engager le combat, Barberousse prend le parti d'attaquer le premier.
Placez-vous en ligne hurle-t-il à travers son porte-voix à ses capitaines,
et faites ce que vous me verrez faire !
Au son des gongs de combat,
ses galères lèvent l'ancre, tandis que les fouets des comites s'abattent sur le dos des galériens, les naves ottomanes se lancent aussitôt contre un lourd galion vénitien empanné dans une zone calme, elles l'attaquent par charge de quinze à vingt unités.
Le galion est sur le point de succomber devant cette attaque massive, quand, brusquement, Barberousse fait volte-face et prend le large pour livrer bataille, au gros de la flotte chrétienne, qui suivant les ordres d'Andrea Doria, procède à une suite de manœuvres de virement de bord.
Les équinoxes de septembre, mettent fin aux hésitations, un violent orage éclate, au moment où la bataille va s'engager, et disperse les combattants.
La flotte turque regagne tant bien que mal le golfe d'Arta.
Les flottes chrétiennes essaient de rejoindre Corfou, mais l'orage est si violent, que plusieurs galères chrétiennes dépassent île et viennent échouer sur les côtes des Pouilles.
La fuite de Doria assure à l'Empire ottoman la suprématie en Méditerranée.
La Bataille de Préveza en 1538.
Le 7 octobre 1571,
faisant voile vers Lépante, Don Juan d'Autriche, trente-trois ans plus tard, lors de la bataille de Lépante, dissipera l'erreur dans laquelle, se trouvait le monde entier, convaincu que les Turcs étaient invincibles sur mer. (1)
Durant la bataille,
un combat féroce opposa les deux galères amirales, celle Ali Pacha, La Sultane, et celle de Don Juan, la Réale.
L’éperon de La Sultane heurte et pénètre dans la Réale au niveau du quatrième banc, aussitôt, les soldats de la chrétienté en profitent, comme d’une passerelle pour assaillir La Sultane.
C’est un moment terrible, un combat épouvantable, une tuerie, où tous les rameurs sont les premières victimes, mais les soldats de la chrétienté ne lâchent pas prise.
Ce n’est qu’au moment où la tête d’Ali Pacha, apparaît au bout d’une pique que les Turcs comprennent leur défaite.
Ce qui a permis la victoire des chrétiens, ce ne sont pas tant les galères, les abordages, les corps à corps, mais, c’est une poignée de gros bateaux, les galéasses, armées de 50 canons, elles ont fait un ravage dans les rangs des galères turcs.
Désormais, la mer est aux voiliers, armés de nombreux canons !
(1)- La victoire de Lépante a sauvé l'Occident, par le cardinal Grenta, de l'Académie française.
La tête d' Ali Pacha.
Epilogue
En 1543,
Khayr al-Din Barberousse, a quatre-vingt-six ans, Sa barbe flamboyante est devenue neigeuse, mais, il continue à ne laisser aucun repos aux ennemis du Croissant.
Soliman l'envoie encore porter secours à François I, au passage, le vieux corsaire brûle la ville de Reggio, et enlève la fille du gouverneur à l'intention de son harem.
Il apparaît à l'embouchure du Tibre, où il hurle, à qui veut l'entendre, qu'il va bientôt faire nommer un nouveau pape.
A son arrivée à Marseille,
il fait hisser le drapeau turc et se livre à de tels excès que François I se repent de l'avoir fait appeler.
Pendant l'hiver, les Turcs sont campés à Toulon, Barberousse réclame furieusement le combat et le butin promis, François I est contraint de le lancer contre la citadelle de Nice, défendue par les chevaliers de Malte.
Ne réussissant pas à s'en emparer, il rugit :
« De fameux soldats, ceux-là qui remplissent leurs navires de barils de vin et oublient les barils de poudre ! »
Ce n'est que lorsque François I, entamant fortement son trésor, aura rétribué royalement le grand-amiral turc, que la flotte de celui-ci, consentira à quitter Toulon.
Barberousse meurt deux ans plus tard, à quatre-vingt-dix ans, sa dépouille est transportée à Beshiktasch, bourg situé dans les environs de la Corne d'Or.
une galéasse.
A sa mort,Barberousse avait probablement oublié, cette belle Julie de Gonzague, dont, douze ans auparavant, il avait en vain tenté de s'emparer, pour en faire présent à Soliman le Magnifique.
Elle, assure-t-on, après avoir réussi à s'échapper, fit mettre à mort l'homme qui l'avait accompagnée dans sa fuite, il avait commis le crime de l'avoir vue presque nue, et d'avoir, troublé par sa beauté, esquissé vers elle un geste audacieux.
Le geste, et sa sanglante sanction devaient, l'un comme l'autre, être compris de l'Italie de la Renaissance, où, la cruauté s'alliait si volontiers à la volupté.
Quoi qu'il en soit,
celle dont la beauté était célèbre dans toute la péninsule,
réserva son amour à son mari seul, Vespasiano Colonna, à la mort de celui-ci, elle se retira dans un couvent napolitain de religieuses franciscaines.
Elle devait rendre l'âme en 1566, c'est-à-dire vingt ans
après Khayr al-Din Barberousse, dont elle avait failli être la proie.