Alger, la démographie de l'Algerie avant et pendant la période Francaise,

La démographie de l'Algérie avant et pendant
la période Francaise

Nous allons détaille les à-coups démographiques de 1850 à 1950.

Tout au long du siècle, l'Afrique du Nord,
alors essentiellement rurale, connaîtra périodiquement des années (ou des périodes) « noires », liées à des crises :

climatiques (sécheresses),
agricoles (mauvaises récoltes, disettes, parfois même famines)
sanitaires (épidémies diverses).

Des crises parfois locales,
qui touchent une province ou deux, souvent beaucoup plus étendues et concernant alors tout un pays.

Densité, urbanisation, répartition géographique :

La régression urbaine a très souvent été signalée par les observateurs contemporains parmi les symptômes de la dépopulation.
Beaucoup de chroniqueurs énumèrent les villes qui ont disparu ou sont en ruines, alors qu'elles avaient été populeuses et florissantes.

Cependant, d'autres constatent que l'anéantissement
des structures agricoles par les guerres et les invasions a rabattu une partie de la population rurale vers les villes.

Mais c'est aussi en milieu urbain que la peste reste endémique et tue massivement.

Les populations de l'Afrique du Nord ont toujours privilégié,
un mode d'habitat concentré sous la forme de nombreuses petites villes, rassemblant quelques milliers d'habitants.

Quant à la densité de la population,
si on l’évalue par rapport à la superficie des territoires nationaux, elle n’a absolument aucun sens, car la distribution géographique
des populations des trois pays est extrêmement inégale.

Si on veut l’évaluer par rapport au territoire habitable ou cultivable, on se heurte à l’impossibilité pratique de mesurer celui-ci,
et surtout d’évaluer ses fluctuations historiques, dont on sait seulement qu’elles ont été très importantes à certaines époques.

Les populations et les dynamiques démographiques des pays depuis 1850.

La reconstruction des effectifs des populations passées et de leurs dynamiques démographiques dépend essentiellement de la quantité et de la qualité des sources statistiques disponibles, ainsi que du nombre d’études scientifiques critiques qu’elles ont suscitées. En la matière, chaque pays a son histoire.

Nous dirons quelques mots bien sûr de l’état civil, mais surtout des dénombrements et des recensements, avant de présenter l’évolution des populations par pays depuis 1850 (dans le meilleur des cas) et ce que l’on connaît de la fécondité et de la mortalité sur cette période.

Les sources statistiques depuis 1850

Certains des pays ont une longue tradition de recensements, héritée de la colonisation :
l’Algérie depuis 1851
(tous les cinq ans environ sous la présence française, 23 dénombrements au total)
la Tunisie depuis 1911 (tous les 5 ou 10 ans, 11 au total),
le Maroc depuis 1921.

Dans tous les pays, les premiers recensements (ou plutôt dénombrements) du XIXe siècle et du début du XXe sont de qualité incertaine et variable, avec des méthodes de comptage plutôt sommaires, des sous-enregistrements non négligeables des populations « musulmanes », avec aussi des couvertures variables d’une opération à une autre.
On manque par ailleurs d’études critiques de ces recensements anciens.

Même s’ils ne sont pas sans problèmes, les premiers véritables recensements, par dénombrement individuel général et à couverture nationale, ne datent guère que de l’entre-deux-guerres.

La plus grande prudence est requise dans l’utilisation des chiffres « bruts » des premiers dénombrements pour l’estimation des effectifs et la mesure des croissances démographiques (Fargues, 1986). On n’est point dans la situation de l’Afrique sub-saharienne, sans pratiquement aucune information sur son passé démographique, on n’est point cependant dans une situation sans incertitude notable.

En Algérie par exemple, le champ géographique des recensements s’est peu à peu étendu avec l’extension du territoire contrôlé. Il faut attendre 1901 pour que le pays soit pratiquement couvert dans ses frontières actuelles.
De même au Maroc, où il faut attendre 1936 pour que la zone française du Protectorat soit entièrement sous contrôle militaire et administratif.

Les fécondités et mortalités depuis 1890

Seule l’Algérie, nous permet de remonter avec prudence à la fin du XIXe et au début du XXe siècle, grâce à l’exploitation et aux publications régulières des décès et des naissances de son système d’état civil. Ces données, bien sûr sous-enregistrées, ont donné lieu à quelques travaux de correction.

Nous gardons la reconstitution de la natalité depuis 1891 effectuée par J.-N. Biraben (1969) :
la seule faite sur une période aussi longue.
Partant des travaux préalables de J. Breil (1954),
l’auteur estimera les naissances par sexe omises en se basant sur des
taux de natalité vraisemblables pour le passé et en intégrant les territoires du Sud
( populations essentiellement nomades ) qui seront tardivement couverts par l’état civil.

On observe :

qu' au cours des 160 ans qui suivirent La Peste Noire de 1343-1349
l'Afrique du Nord fut à vingt-huit reprises frappée par la maladie.
les effets ainsi cumulés ont sans doute été plus destructeurs que la Peste Noire elle-même.
Cela se poursuivit jusqu'au début du XIX siècle, époque à laquelle la population égyptienne représentait entre la moitié et les trois quarts de ce qu'elle était en 1346 .

La Peste Noire avait disparu de l'Europe du Nord dans les premières décennies du XVIII siècle, la peste resta encore longtemps endémique en Afrique du Nord et ne disparut enfin, au XIX siècle.

La crise de 1878-1882 au Maroc, conjuguant choléra, variole et famine, aurait conduit à un million de décès, au dépeuplement de certaines régions et peut-être même à un recul de la population totale (Noin, 1970).

Le tableau ci dessous présente les taux de natalité, de mortalité et d’accroissement naturel de l'Algérie par période décennale du début du XXe siècle à 1961, avec quelques estimations un peu plus anciennes.
périodes Taux de Taux de Taux d’accroissement
natalité (‰) mortalité (‰) naturel (%)

1876-1878 37,4 32,9 0,4
1891-1900 36,5 - -
1901-1910 36,6 31,6 0,5
1911-1920 35,1 29,4 0,6
1921-1930 39,8 28,0 1,2
1931-1940 42,8 25,2 1,8
1941-1950 42,5 37,7 0,5
1951-1960 46,5 - - -
1961-1969 48,1 14,7 3,3

Calculés sur des périodes de 20 à 30 ans à partir de ces données de recensements, les rythmes anciens de croissance de la population totale de chacun des pays ne diffèrent pas sensiblement jusque dans les années 1930, ils demeurent entre 1 et 1,3 % ; partout ils s'accélèrent dans les années 1940 et 1950 et tournent alors autour de 2 %.

En dehors des périodes des deux grandes guerres, la natalité de l’Algérie va connaître une tendance assez régulière à l’augmentation pendant une bonne partie du XXe siècle, passant de 37 ‰ vers 1880 à 48 ‰ vers 1965.

La tendance est peut-être surestimée :

par une sous-estimation possible du redressement opéré sur les naissances anciennes.

Mais comme on l’a observé dans d’autres régions du monde
(Dyson et Murphy, 1985 ; Tabutin, 1995),
elle peut aussi correspondre à une certaine réalité :

le développement des structures sanitaires
(notamment les maternités et centres de consultations),
l’amélioration de l’hygiène publique et individuelle,
l’éradication des grandes endémies
une plus grande stabilité des mariages (recul des divorces et répudiations)

peuvent conduire à plus de naissances vivantes.

Les premiers reculs de la mortalité seraient plus anciens d'aprés . Ph. Fargues (1986).
Ils datent du milieu du XIX, allant même jusqu'à parler de :
« baisse endogène de la mortalité nord-africaine », procédant d'un développement continu de l'économie.

La fréquence, la virulence et l'extension géographique de ces fléaux, notamment des épidémies, reculeront peu à peu à partir de 1880 ou 1890, avec le développement des administrations et contrôles sanitaires, l'amélioration de l'hygiène dans les villes et les premiers progrès en matière de transports.
Il faudra néanmoins attendre la fin des années 1940 pour les voir disparaître de la région.

En Algérie, le simple suivi annuel des décès infantiles depuis 1901, même s'ils sont sous-enregistrés, permet de repérer les dernières poussées épidémiques (Tabutin, 1976), :
paludisme en 1904,
variole et rougeole en 1927,
scarlatine en 1931,
typhus en 1941-42,
variole de 1941 à 1944.

Évaluations des populations de l’Afrique du Nord entre 1000 et 1850 (millions d’habitants)

Date Population

1000 - 6,3 -
1100 - 5,3 -
1200 - 5,1 -
1300 - 5,0 -
1348 Début de la Peste Noire de 1348-1349
1400 - 4,2 -
1500 - 4,7 -
1500 * pour cette période l' Unesco donne entre 3 et 6
1500 * et Iliffe entre 3 et 4
1600 - 5,4* -
1700 - 5,7* -
1800 - 5,6* -
1850 - 7,1* -

Conclusion :

La reconstitution de l'évolution historique de la population des pays de l'Afrique du Nord souffre du caractère extrêmement déficient des données démographiques dans cette région.

En règle générale, avant l'instauration des recensements scientifiques, c'est-à-dire au mieux vers la fin du XIX siècle, les chiffres de population sont rares, et on manque totalement d'indices précis et fiables qui permettraient d'en apprécier la qualité.

Les documents historiques font abondamment état des circonstances économiques, politiques et sanitaires qui ont infléchi la croissance naturelle de la population, mais il est généralement impossible de quantifier les résultats de ces influences.

On est ainsi souvent mieux renseigné sur le sens et l'ampleur des variations du volume de la population que sur son niveau absolu, sur lequel les marges d'incertitude restent énormes.

Avant le XX siècle, l'histoire de la population de l'Afrique du Nord reste à écrire !

Les chiffres que nous avons sélectionnés dans ce travail de synthèse sont,
tout au plus, des ordres de grandeur plausibles.

Les populations de l'Afrique du Nord ont connu, au cours du millénaire qui vient de s'achever, une longue période de « creux » démographique, suivie d'une récente « explosion »

Dans la première période ( avant 1850 ), l'accumulation et la fréquente répétition de catastrophes diverses ont non seulement fait obstacle à toute progression durable des effectifs démographiques, mais ont souvent déclenché de brusques et douloureuses chutes de niveau, dont ces sociétés ont très longtemps été incapables de se relever.

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