La journée du 24 Janvier 1960 à Alger
Historia Janvier 1961
Il y a un an,
- dans la chaudiere en ébullition qu'est Alger en Janvier 1960.
- La fusillade du 24 Janvier 1960,
est l'élément qui a déclenché une serie d'épisode imprevisible, confus et douloureux.
- En ce sens, elle est une date de l' histoire.
Merry et Serge Bromberger
les auteurs « des Treize complots » et des « Barricades et Colonels », nous retrace les heures dramatiques ou les forces de l'ordre, fideles à leurs discipline
et des Français d'Alger se heurterent en un déchirant conflit.
De tels moments devraient suffire à persuader les Français de l' horreur de ces luttes fratricides.
Maladresse ou Imprudence ?
Le général Massu,
- au cours d'une interview donnée à un journal munichois
Suddeutsche Zeitung,
se laissa aller à des propos très libres par lesquels il désavouait la politique d'autodétermination menée en Algérie et mettait en doute
l'obéissance de l'armée aux prochaines directives de De Gaulle.
- L'article, paru le 18 janvier 1960, dans une
atmosphére explosive, fit l'effet d'une bombe.
- Le lendemain, Massu fut convoqué à Paris,
où il fut obligé, à la suite du général Challe,
de démentir ses propos.
- Ce démenti apaisa un peu la métropole,
mais irrita en revanche Alger et éleva un peu plus haut
le mur d'incompréhension entre les deux villes.
- Y aurait-il, ou non, sanction contre celui qui
fut un fidèle compagnon d'armes de De Gaulle?
- Le 22 janvier, on apprit que Massu était destitué de ses fonctions et
remplacé par le général Crépin.
La révolte à Alger.
L'émotion fut intense de l'autre côté de la Méditerranée.
- Massu,
l'homme qui avait assaini la casbah,
gagné la « bataille d'Alger » en 1957,
incarnait l'Algérie française.
Mais, jusqu'ici, il avait toujours agi en modéré :
- « Je suis le couvercle de la marmite qui contient le bouillonnement algérois », disait-il de lui-même.
Le couvercle sauté,
- l'Algérie se livra aux débordements.
- Après la sanction, une atmosphère de révolte
régna dans la ville blanche, au point que deux
régiments de paras durent être ramenés du bled.
- Dans l'ombre, les activistes s'agitèrent, sous l'impulsion du député Lagaillarde et
de Joseph Ortiz :
Ils préparèrent un nouveau « 13 Mai »,
escomptant qu'un gigantesque rassemblement
pourrait infléchir la politique de De Gaulle.
Le dimanche 24 Janvier 1960
Alerté par un coup de téléphone,
- le recteur de l'Université d'Alger, M. Capdecome,
est venu de bonne heure, ce dimanche matin 24 janvier 1960, faire un
petit tour aux Facultés
où se passent, lui dit-on, des choses étranges.
- A la porte, quatre parachutistes lui interdisent entrée.
- L'éminent universitaire téléphone, scandalisé, au Cabinet du délégué général.
- Des uniformes dans l'Université sans son autorisation.
- Un sans-gêne incroyable!
C'est ainsi que les autorités
- apprendront qu'un édifice public est déja occupé, sans que personne s'en soit aperçu,
qu'un camp retranché s'est constitué dans la nuit, alors que M. Delouvrier téléphonait à Paris
qu' Alger était calme et qu'il ne se passait rien.
Pour l'instant,
- Lagaillarde se cherche une armée, des armes, des uniformes.
- Comme il demande à ses amis les officiers parachutistes de lui passer des équipements,
ceux-ci lui donneront une bonne adresse : celle d'un confectionneur qui fait retailler
à Marseille les tenues léopard pour leur donner du chic.
Le confectionneur a justement une livraison à faire : mille uniformes.
Lagaillarde les fera prendre dans quarante-huit heures.
Ce sera le Conseil municipal d'Alger qui soldera la note.
- Le parlementaire barbu a passé sa nuit dans les Facs, plus ou moins confortablement,
avec une trentaine de ses supporters.
A 6 heures du matin,
- il voit passer une quinzaine d'officiers territoriaux, parmi lesquels il compte des amis.
Il les arrête, les interroge.
- - Savent-ils qui mobilise les U.T. (Unités territoriales).
- - Ils n'en savent rien. Etant de service, ils ont reçu l'ordre
d'avertir leurs camarades
de rejoindre leur compagnie. Mission terminée, ils sont
libres.
Lagaillarde les enrôle aussitôt. Ils sont 15. Ses effectifs augmentent de 50 %.
Des Unités territoriales
- qui se répandent en uniformes et en armes dans Alger, alors que ce n'est
pas leur jour de service,
aucun officier ne s'inquiète de les contrôler.
Les gendarmes en arrêtent 42 hors de leur secteur...
Certains Unités territoriales
- portent le brassard de la phalange d'Ortiz,
- brandissent des pancartes
à grandes croix noires celtiques,
- groupent les manifestants,
- se mettent à leur
tête vers les points de rassemblement.
Que fera l'Armée ?
A 7 heures du matin,
- Joseph Ortiz a convoqué son historiographe.
- Il a réveillé par un coup de téléphone le rédacteur de l'agence A.F.P.
chargé des comptes rendus du F.N.F.
- - Habille-toi et viens, c'est le grand jour!
- Il a soigné sa toilette, costume marron, cravate claire.
- Il sera peut-être ce soir lepouvoir à Alger, en attendant de l'être,
huit jours plus tard, à Paris.
- Il sort de chez lui 4, rue Charles-Péguy, avec Jackie Laquière, le jeune avocat secrétaire du
F.N.F., qui est venu le chercher et qui cache sa nervosité derrière ses verres fumés.
Ils font quelques pas et ils sont au siège de l'Interfédération des U.T. qui est le
P.C. Ortiz.
- L'immeuble fait le coin de la rue Charles-Péguy et du boulevard Laferrière.
L'entrée est au coin.
Mais sur toute la façade du boulevard Laferrière s'étend
l'enseigne de la banque :
la Compagnie Algérienne.
- - Enfin, c'est le jour, dit le patron du " Forum " en franchissant le seuil,
mais il nous faudra beaucoup de chance !
Le P.C. de l'insurrection est déjà une ruche bourdonnante.
- Des civils en armes, simples membres du F.N.F.,
- des miliciens du F.N.F. en chemise kaki
avec un équipement de pistolets digne du Far West,
- des U.T. mitraillette au côté,
- des officiers d'U.T. revolver au baudrier,
- des gradés de
la phalange ortizienne en kaki, croix celtique au bras,
cherchent leurs chefs dans une confusion qui est déjà extrême.
- Ils prennent position dans l'immeuble,
- bloquent l'entrée,
- installent des emplacements d'armes automatiques sur le toit,
- plantent une croix celtique.
- Au balçon, le micro est déjà branché.
Ce qui manque encore, c'est l'assurance d'avoir, sous ce micro, le peuple d'Alger.
Le troisième grand personnage de la journée est absent,
- mais présent à tous les esprits.
- Il est le prétexte et l'emblème de la manifestation.
C'est Massu.
- Le bruit court qu'il l'approuve.
- On distribue son portrait dans les rues.
- Les femmes l'épinglent à leur corsage,
- les hommes à leur boutonnière.
Alger se lève pour réclamer son retour.
la barricade avant les èvènements.
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