La journée du 24 Janvier 1960 à Alger
Le dimanche 24 Janvier 1960 (suite)
Les tracts qui tombent
- en pluie sur la ville, déversés par un petit avion Jodel, et que distribuent à pleines mains
les territoriaux mobilisés en son nom, opposent Massu à de Gaulle.
- - L'armée est avec nous, dit-on. C'est beaucoup dire.
Ce matin encore,
- le colonel Gardes a
renouvelé ses consignes : manifestation pacifique !
- Les colonels Argoud et Gardes ont découragé catégoriquement les exigences
belliqueuses d'Ortiz :
- l'armée ne le suivra pas s'il s'attaque au G.G., s'il élève des barricades.
- Toute l'armée ne le suivrait pas, donc aucune unité ne le suivra.
- Ne comptez pas sur Massu pour en faire un Franco, a dit Argoud.
- Il n'acceptera jamais.
Et, de fait, le « grognard » est trop intimement gaulliste pour songer à
remplacer de Gaulle.
Mais là encore, Ortiz et ses amis ont un espoir :
- s'ils parviennent à attirer Massu à Alger
Ils le font assiéger en ce moment par leurs amis parisiens
pour calmer les Français d'Algérie.
Ils comptent bien le replacer dans sa situation du 13 Mai.
Le reporter à la tête d'un nouveau Comité de Salut Public qui sera cette fois, un gouvernement provisoire.
- Aux quatre coins de la ville, les cortèges commencent à s'assembler.
Mais la radio lance soudain
- une douche froide sur l'effervescence en diffusant une mise en garde
solennelle de M. Delouvrier.
Un tract distribué ce matin convie la population à se lever...
Pour tromper les Algériens, créer des troubles que certains espèrent subversifs,
On fait courir les bruits les plus absurdes.
Tout est inventé pour intoxiquer Alger.
L'autorité de la France, ici, ne peut le tolérer.
L'armée au service de la France ne le tolérera pas.
Les responsables de cette manifestation commettent une erreur tragique.
Je les adjure de se reprendre pour éviter que le sang coule.
L'autorité et l'armée feront leur devoir.
De dix minutes en dix minutes, France V répète l'avertissement.
Tous ces hommes armés qui parcourent la ville,
- l'annoce d'une répression impitoyable
des désordres donnent à réfléchir.
Le grand jour pourrait être un jour de mauvais coups.
- Beaucoup de gens restent chez eux.
- Le soir, les bourgeois qui, de
leurs fenêtres, le long du boulevard Laferrière, tireront sur
les gendarmes blessés se traînant sur le pavé, n'auront pas eu la tentation de se mêler
ce matin aux manifestants.
- Ce seront les quartiers populaires qui auront surtout donné.
Encore, des enfants expédiés par leur mère viennent-ils rechercher par la main le papa
qui
piétine sur la place, attendant le départ du cortège...
Insurrection à Alger
Conformément aux conseils donnés par ses amis militaires,
- le premier souci de Lagaillarde est de militariser la forteresse qu'il a installée dans les Facultés.
S'il veut que l'armée lui marque une préférence, il faut lui inspirer confiance, lui
ressembler.
- La journée passe, confuse.
- Quels que soient les bruits qui courent sur les barricades naissantes et les intentions réelles
des chefs de la manifestation, rien n'est encore décidé au quartier général.
- On y est très préoccupé.
La question est de savoir si les manifestants monteront les
premiers au G.G. ou
si les gendarmes descendront les premiers jusqu'au boulevard Laferrière.
Lagaillarde vient de faire annoncer aux autorités
- qu'il tirera sur tout ce qui s'approchera à moins de trente mètres des murs des Facultés.
- Les pillages de magasins d'armes se multiplient.
- Les propos de plus en plus fracassants tenus au micro,
- les derniers tracts,
- l'approche de la nuit
font craindre que l'émeute, se déchaînant dans l'obscurité, ne s'empare de la ville.
Le général Challe et Delouvrier,
- revenus de Paris avec des ordres formels de faire respecter l'ordre public,
ont annoncé aux députés que s'il était nécessaire
de tirer, dut-il y avoir vingt morts au tapis, ils tireraient.
Ils avaient espéré ce matin empêcher la formation de la manifestation par l'action en souplesse des paras.
La souplesse a fait faillite.
Le plan du général Challe.
A 16 h 30,
- l'Etat-Major du Palais Bruce (celui du Grand Alger) reçoit l'ordre
de Challe d'étudier la liquidation de la manifestation par une opération synchronisant l'intervention des parachutistes et des gendarmes mobiles.
A 17 heures,
- la décision est prise par le commandant en chef sur les instructions
de M. Delouvrier.
On a affirmé,
- après la fusillade, et la rumeur s'en est largement répandue a
Paris, que l'ordre de disperser
par la force les manifestants avait été dicté de Paris,
par-dessus la tête du général Challe,
au général Crépin.
- Cette version des faits est catégoriquement démentie et de la manière la plus
formelle par tous
les acteurs de cette journée.
- Le général de Gaulle n'a été averti des événements d'Alger qu'en fin de soirée.
- Le général Challe a pris l'initiative de la dispersion.
- Le général Crépin a précisé que le plan de coopération des paras et des gendarmes mobiles
avait été dressé sur des informations locales.
- Personne, à Paris, n'a donné l'ordre de tirer sur les manifestants.
Les gendarmes n'ont d'ailleurs pas ouvert le feu tant qu'on ne leur a pas tiré dessus.
- Je revendique les responsabilités de la décision, a exposé par la suite, M. Delouvrier.
- Le général Costè
- commandant la zone nord-algérois, téléphone au colonel
Debrosse (commandant la gendarmerie) enfermé au G.G. avec ses quinze escadrons
de gendarmes mobiles.
- Vous allez recevoir une mission très dure.
- Vous l'exécuterez avec sang-froid, la dernière énergie, une discipline absolue!
- Si vous êtes pris à partie par des armes à feu, et,
alors seulement, vous riposterez immédiatement.
- Je vous passe le colonel Fonde.
- le colonel Fonde :
- Vous allez descendre les escaliers du Forum.
- Vous serez couverts par les parachutistes sur votre droite.
- Vous descendrez avec les paras le boulevard Laferrière et
- vous le degagerez sur toute sa longueur.
- Les armes ne seront ni chargées ni approvisionnées.
- Vous chargerez au plat de crosse.
- Vous ne tirerez que si l'on tire sur vous.
Mission impérative :
- Dégager le boulevard Laferrière avec les deux régiments de paras.
A 17 h 20,
- le colonel Fonde
transmet à l'agent de liaison des paras, le colonel Ceccaldi,
les ordres destinés au :
- ler R.E.P. (Régiment Etranger Parachutiste) et
- au ler R.C.P. (Régiment Chasseurs Parachutistes).
- Ces ordres tiennent compte d'une donnée capitale que Fonde n'a pas jugé utile de
signaler au lieutenant-colonel Debrosse :
- Lagaillarde a fait savoir qu'il tirera sur toute unité s'approchant de l'enceinte des Facultés
à moins de trente mètres.
- Le 1er Régiment Etranger Parachutiste du colonel Dufour - bérets verts -
qui se trouve depuis midi au parc de Galland, à un kilomètre et demi du boulevard Laferrière.
- Doit gagner la place Lyautey, à la pointe EST des Facultés.
- De là, il se dirigera sur la Poste, boulevard Laferrière, où il devra être à 18 heures.
- Il pourra choisir de passer d'un côté ou de l'autre des Facultés,
- soit par l'avenue Pasteur débouchant au sommet du boulevard Laferrière
au pied des escaliers du Forum où les gendarmes penseront le trouver,
- soit par la rue Michelet qui longe les grilles des Facultés.
- Chemin faisant, il doit déblayer la manifestation.
- La rue Michelet, qui est en plein dans les eaux territoriales de Lagaillarde, est
barrée par des barricades.
- L'avenue Pasteur qui s'amorce place Lyaute par un tunnel creusé sous les
Facultes offre un itinéraire moins encombré et moins dangereux.
- Le colonel Meyer,
supervisé par le général Gracieux, recevant cet ordre pour le
colonel Dufour,
le décompose en deux temps :
- les légionnaires feront un premier bond jusqu'à la place Lyautey.
- Ils y prendront liaison latérale avec les bérets rouges de Broizat, qui commande
le 1er Régiment de Chasseurs Parachutistes, qui doivent progresser en même temps.
Ils y attendront des ordres ultérieurs .
- Dufour en est instruit par radio au parc de Galland. Il met en branle ses camions
vers la place Lyautey.
- En même temps,
le colonel Fonde
- donne au 1er Régiment de Chasseurs Parachutistes qui, depuis midi, est au carrefour
de l'Agha à six cents mètres du boulevard Laferrière, l'ordre de faire mouvement vers
la Grande Poste où il devra être à 18 heures.
- Il doit emprunter le boulevard Baudin qui est à l'écart de la manifestation.
.
Le colonel Broizat
- est à Hydra au moment où parviennent ces instructions.
- Il en est averti oralement. Il rejoint immédiatement son régiment au carrefour de
l'Agha.
Cette mécanique doit à la fois
- disperser la manifestation.
- investir les pâtés de maisons où se trouvent le camp de Lagaillarde et le P.C. d'Ortiz.
la barricade avant les èvènements.
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