Les Paras prendront-ils Paris ?
(Historia de Juin 1959)




Il y a un an, le destin de la IV République et celui de la France était suspendu à l'évolution d'une situation difficile à la fois en Algérie et dans la métropole.
Le général de Gaulle ne voulait recevoir le pouvoir que dans la légalité et avec le consentement du pays.
Les auteurs des 13 complots du 13 mai (Fayard) nous racontent le moment le plus délicat de la crise.

par Merry et Serge Bromberger



Honni, acclamé, craint ou admiré, le nom de Massu
était alors présent à tous les esprits.



Le Mois de Mai 1958


Ce mardi 27 mai, la crise atteint à son paroxysme.

Depuis 48 heures, toute la France est en alerte.
Les paras sont suspendus au-dessus de la tête du gouvernement.
A chaque passage d'avion, les banlieusards interrogent le ciel, guettant la floraison des corolles.

Le capitaine Lamouliatte,   qui fait la liaison entre le colonel Gribius,    chef du deuxieme groupe blindé stationné à Rambouillet et à Saint-Germain,   le général Miquel à Toulouse,   qui commande la V  région et l'état-major d'Alger,   est parti à l'aube en avion pour aller chercher des instructions décisives au quartier général de Salan.

Il ne passe que trois heures à Alger,   s'arrête une heure au retour sur le terrain de Francazal,   base de Toulouse, où le général Miquel est venu l'attendre.
  -   Alors, on a renoncé ?    demande le général qui attend chaque jour depuis une semaine l'ordre de prendre la tête des troupes aéroportées.
  -   Pas du tout.    Il faut accélérer !   C'est pour demain soir !    lui répond l'officier de paras.

En arrivant à Paris,   le capitaine prend un taxi,   interroge le chauffeur sur ce qu'on pense dans la capitale et sursaute
  -   Ça sent le para, et drôlement !

A 10 heures du matin, le ministre de l'Intérieur, M. Jules Moch, est saisi d'un rapport circonstancié :
  -   le débarquement en France est pour demain dans la nuit.

On affirmera plus tard qu'il ne s'agit de rien de moins que d'une copie du plan   « Résurrection ».

Le général Lorillot,   le nouveau chef d'état-major général en aurait reçu une copie aussitôt transmise à son ministre M. de Chevigné et par celui- ci à M. Jules Moch,   ministre de l'Intérieur.

L'Elysée est déjà pareillement informé par le général de Beaufort qui s'y montre quotidiennent et qu'on sait être admirablement « tuyauté ».

En réalité, l'ordre d'opérations n'a été tiré qu'à quatre exemplaires destinés aux quatre chefs d'opérations sur le terrain.

Mais le général de Beaufort a tiré de ce plan des exposés très approchants dont il s'est servi comme de V2 dans l'offensive psychologique qu'il mène à Paris depuis le 13 mai.

Le plan prévoit tout un calendrier de dates possibles suivant l'évolution de la situation politique.
  - La première de ces dates est la nuit du 28 au 29 mai;
  - la seconde, la nuit du 30 au 31 ;
  - la troisième, la nuit du 2 au 3 juin.

L'essentiel de l'opération consiste dans le débarquement sur les aérodromes militaires de Villacoublay et du Bourget de quatre régiments de parachutistes venant occuper Paris avant l'aube et l'entrée en action des 20000 C.R.S. présents à Paris, pour qui 20 000 collections d'uniformes militaires ont été préparées.


  Le jour J.,    à l'heure « moins 3 » ,   c'est-à-dire à 23 heures,  les chars du colonel Gribius s'ébranlent pour occuper les aérodromes militaires de Villacoublay et du Bourget où doivent atterrir les paras.

Il avait été prévu que les troupes aéroportées pourraient avoir à sauter au cas où les pistes eussent été coupées.   Mais l'armée de l'Air, qui a adhéré tout entière au mouvement,   a garanti qu'elles seraient tenues dégagées,   malgré les ordres de M. Jules Moch et de M. de Chevigné.

Les routes suivies par les chars et celles que prendront ensuite les colonnes de paras escortées de blindés seront jalonnées par la police.   Le Comité de Salut Public de la Préfecture de police,  constitué par le député ex-commissaire Dides, dispose de l'adhésion à peu près générale des cadres et des effectifs de gardiens de la paix et du corps des inspecteurs.

Dans toute la région parisienne,   des commandos de volontaires constitués par les groupes patriotiques et activistes   --   plus ou moins armés --.  le port des armes de guerre leur est en tous les cas absolument interdit --   prendront possession des mairies, des gares, des studios de radio et de télévision.
Ils doivent agir sans violence.   Des Comités de Salut Public s'installeront en même temps dans chaque hôtel de ville.

Le commando le plus important   - 300 hommes -   doit s'emparer de l'Hôtel de Ville de Paris.
Les postes de police et la Préfecture de police seront occupés par les policiers eux-mêmes.

A H + 2 h 30,   c'est-à-dire à 1 h 30, première vague d'avions atterrissant toutes les trois minutes sur l'aérodrome de Villacoublay et du Bourget, amenant deux régiments de paras du Sud-Ouest avec un état-major de brigade.
  - 24 Nord-Atlas de la base de Francazal à Toulouse et une dizaine de Bréguet-deux-Ponts et
  - DC 4 déposent ces 1 500 hommes en 2 h 20.

A H + 5 h 30, seconde vague au Bourget.

Celle des deux régiments de paras arrivant d'Algérie sous le commandement du général Massu.
Entre-temps,   un complément de paras du Sud-Ouest aura été déposé à Orly,   au total 3 500 hommes.
  -  200 camions escortés de blindés amènent les paras au lever du jour sur tous les points stratégiques de la capitale.
Pendant ce temps, des groupes de paras réservistes encadrés par des officiers venus d'Alger auront pris position sur les ponts, aux principaux carrefours.

Pendant le même temps,
les C.R.S. de M. Jules Moch se transfigurent en soldats de l'opération « Résurrection ».
Habillés de neuf en kaki ou en toile de camouflage,
  ils doivent occuper sans coup férir
  le    Palais-Bourbon,   l'Intérieur,   la Guerre,    la Marine -
  la Concorde doit devenir le Forum de Paris -
  les autres édifices publics qu'ils avaient auparavant mission de garder.


Les abords de l'assemblée Nationale
sont sèvérement gardés.



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