Les tirs sont toujours aussi intenses dans le centre de Bab-El-Oued, ils semblent se rapprocher toujours davantage de la place des trois horloges.
Depuis 18 heures, les gendarmes occupent les immeubles de l’avenue de la Marne, à l’entrée de Bab-El-Oued jusqu’aux jardins du boulevard Guillemin.
Ils ont pris position depuis 18h 30 aux fenêtres et sur les terrasses d’où ils ont ouvert le feu sur les tireurs isolés dissimulés sur les toits.
Quatre blindés de la gendarmerie sont toujours en position boulevard Guillemin et prennent en enfilade l’avenue de la Bouzaréah et la rue Rochambeau.
18 heures 40 :
Un half-track de la gendarmerie descend l’avenue des Consulats en tirant de toutes ses armes automatiques, vers les toits d’où s’abattent dans sa direction des grenades, le blindé réussit à s’échapper.
Half-track de la gendarmerie remontant la rue Léon Roche.
19 heures :
Premier bilan : 15 tués, 40 blessés.
Les pertes subies à 19 heures à bab-el-oued, par les forces de l’ordre s’élèvent à 15 tués et 40 blessés.
On ne connaît pas celles des civils qui seraient également lourdes et comprendraient des femmes.
19 heures 15 :
Bab-el-oued connaît un certain répit, la nuit est tombée.
Cependant de temps en temps on entend encore des fusillades nourries.
Des civils armés restent embusqués dans les encoignures des portes ou derrière des voitures.
Couvre feu a 21 heures.
19 heures 45 :
L’accalmie subsiste à Bab-El-Oued, on n’entend plus que des coups de feu isolés.
Les rues sont entièrement désertes, tous les volets sont fermés.
Couvre-feu, ce soir, à 21 heures au lieu de minuit.
A Bab-El-Oued,
il sera maintenu jusqu’à nouvel orde à titre permanent.
Les habitants sont formellement invités à ne pas se tenir auprés des fenêtres et à ne pas monter sur les terrasses.
A 20 heures, trois explosions qui étaient localisées à 21 heures, se sont fait entendre dans le quartier de Belcourt, il semble qu’il s’agisse de grenades.
21 heures 45
Le silence est revenu.
La pluie a commencé à tomber.
Le Char Algérie à Bab-el-oued le 23 Mars 1962.
Note :
Extrait des rapports de la gendarmerie mobile.
Un officier qualifie l’événement de « véritable guerre civile localisée ».
Effectivement, la nature et la quantité des munitions consommées par la GM, durant cette journée rappellent davantage une guerre de rues qu’un rétablissement de l’ordre aussi violent soit-il.
De ce fait, cette intervention se rapproche plus d’un « Budapest » que d’un « Fort Chabrol », expressions toutes deux employées par la presse de l’époque.
Toutefois, l’intervention russe à Budapest, en 1956 demeure d’une autre dimension en raison de sa durée, des effectifs engagés, et surtout du bilan des victimes.
État des munitions consommées par la gendarmerie mobile à Bab el-Oued le 23 mars 1962.
Nature des munitions Quantité
Balles de 7,5 mm 3 267 Balles de 7,62 mm 4 650 Balles de 9 mm 8 660 Balles de 12,7 mm 3 585
Grenades offensives 35 Lacrymogènes 10 Obus de 37 18
JMO de la 10e légion de gendarmerie mobile, mars 1962, SHD/GD, 2010 ZM4/16453.
Auto-mitrailleuse sur les hauteur du square Guillemin.