Relations entre la France et la Régence d’Alger
Expédition de Gigeri.
- Pour comprendre la situation,
il est nécessaire de relire les missives envoyées par le roi, bien avant le débarquement et juste après.
- Dans le livre, les œuvres de Louis XIV, tome V, Lettres particulières, imprimé en 1802,
on découvre quelques lettres de Louis XIV qui nous donnent un avant-goût de cette expédition.
- Le 28 Avril 1664, lettre au comte de Vivonne.
« …… dans les occasion importantes, soit de descente à terre, d'attaques, ou d'entreprises,
on ne résolve rien, sans l'avoir examiné en conseil de guerre, en tenant compte des avis,
des sieurs Gadagne, de la Guillotière et de Clerville.
Je désire que vous appuyés fortement leurs décisions. »
En clair, il demande à Vivonne de voter contre les décisions du Duc de Beaufort.
- Le 12 Juin 1664, lettre au Comte de Gadagne.
Le Roi demande à Gadagne de veuillez à la bonne tenue des troupes....
« …… Je m'en repose donc sur vous, et attend le mémoire,
pour juger avec connaissance du soin, que chacun aura pris de satisfaire à son devoir. »
- Le 4 Juillet 1664, au Duc de Beaufort.
« …… Vous continuerez avec soin à me mander à moi-même tout ce qui se passera ..... »
et il termine sa lettre par,
« …… Je vous réponds du secret. »
Statue équestre de Louis XIV au chateau de Versailles.

- Le 17 Juillet 1664 au comte de Vivonne.
« Vivonne, vous trouverez ci-joint un mémoire qu'on m'a donné pour véritable .......
Examinez-le bien et mandez-moi vos sentiments....
Gardez le secret de votre côté, comme il le sera de celui-ci. »
- Le 18 Août 1664, au Duc de Beaufort.
« Mon Cousin, il n'est pas besoin de vous dire la joie que j'ai de la descente de mes troupes à Gigeri.
M. Lamon est arrivé, qui me l'a confirmé pleinement ...
Je vous avoue seulement, que je ne puis approuver les petits mécontentements qui se sont glissés,
parmi quelques officiers.....
Je désire donc, que toute division cessant, chacun oublie les sujets de déplaisirs, que je crois fort médiocres.....
Que les lettres que j'ai reçus, qui parlent de fortifications à faire à Gigeri,
ne m'éclaircissent pas assez, que ni vous, ni aucun des officiers principaux ne m’en avez mandé votre avis.......
Je souhaite que vous assembliez en conseil les officiers généraux, commandants des corps et tous ceux
que vous jugerez capables, que vous leur déclariez que je veux qu'ils disent librement leur avis, que vous leur
communiquiez le plan du sieur de Clerville et celui de Desoullier, …… qu'après avoir formé votre délibération
à la pluralité des voix, vous me dépêchiez par courrier exprès le résultat.
En attendant les nouveaux ordres,
j’estime qu'il est à propos que quelques-uns de mes vaisseaux croissent la mer le long de la côte,
pour empêcher les corsaires d'approcher du port de Gigéri.... et protéger la route de Provence, pour assurer
le passage des barques qui iront et viendront de Toulon.
J'écris aussi à même fin, diverses lettres que vous trouverez ci-jointes, vous aurez soin de les faire rendre. »
Le roi écrit à Monsieur le chevalier Paul, en lui précisant,
que c'est lui qui doit croiser le long des côtes et protéger la navigation entre Toulon et Gigeri.
Louis XIV, au Parlement.

- Mais revenons à notre expédition.
- Après l'attaque des Kabyles avec leur drapeau blanc,
les soldats tracèrent des lignes et élevèrent quelques remparts, sans une grande concertation, car M. de Clerville,
ne se croyant pas obligé à cette fonction, par le rang qu'il tenait dans l'armée.
- Ainsi les travaux furent imparfaits, et ne furent pas modifiés par l'Intendant des fortifications,
qui estimait que les remparts étaient assez bons, puisque les Maures ou les Kabyles n'avaient point de gros canons.
- On réalisa quand même deux ouvrages :
- l'un à l'extrémité de la crête la plus avancée du Korn-el-Djebel, une tour hexagonale, qui sera le poste,
le plus avancé des positions françaises, il est à plus de 240 mètres des petits remparts érigés par les soldats.
On appela, le Korn-el-Djebel, à cause de cet ouvrage, la montagne de la Tour.
- l'autre plus petit, et plus proche du camp, construit avec les pierres des tombeaux,
dont les hauteurs étaient couvertes, ce qui permit au Marabout de Gigeri, qui commandait les Maures,
et les Kabyles, de lançait des prédictions contre les Français.
Le Marabout de Gigeri, se nommait Sandis Mahon, homme habile et artificieux,
voyant les français élever des fortifications, il demanda au Kabyles de faire de même sur les hauteurs
des montagnes hors de portée du canon de la tour.
Note :
Les auteurs qui narrent cette expédition sont presque tous unanimes :
François de Clermont, Marquis de Montglat; Marquis Quincy; Monsieur de Riencourt; Monsieur de Buffi;
Monsieur de Hode; Monsieur Henry de Grammont; M. Pellisson; l'Abbé de Choisy;
Jean-Baptiste Colbert, Auteur du testament politique de Colbert.
Il ne s'est pas passé grand-chose pendant les mois d'Août et de Septembre,
mis à part, la discorde entre les membres du conseil de guerre et quelques brefs accrochages.
Tous reprochent à M. de Clerville de ne point avoir fortifié correctement les positions françaises.
Tous reprochent l'attitude ambiguë des Kabyles,
qui laissaient miroiter un accord de paix et qui commerçaient avec les Français, sans jamais le signé.
Galére Amirale La Réale sous Louis XIV.

- Le conseil de guerre avait espèré,
que les Kabyles signeraient un traité d'alliance pour garder leurs terres et nous laisser maîtres du port
et de la mer, dont ils ne tiraient aucun usage, mais, les Kabyles avaient demandé de l'aide aux Turcs.
- Durant le premier mois,
il ne se passa pas grand-chose, mis à part, lors de deux sorties des français, pour faire du bois, et ramener de l'eau,
de petits accrochages, qui bien de que très courts, causaient parfois la morts d'officiers ou de soldats.
- La première sortie, celle des volontaires,
qui voulaient en découdre avec l'ennemie, elle se solda par deux morts du côté français.
- La seconde, dirigée par le général Gadagne, cette fois ci, sans les volontaires, qui se solda
par la mort de nombreux Maures, avec très peu de pertes dans les rangs du régiment de Normandie.
Déçus par l'habitude de Gadagne, soixante volontaires embarquèrent pour Toulon sur deux vaisseaux,
L'Anne et la Victoire, que l'on renvoyait pour faire des vivres à Toulon.
- Vers la fin du Mois d'Août 1664, Le Maures reçurent des renforts,
de Benali, roi et Marabout de Couque, et de Mohammed ben Ferbat Bey, gouverneur de Constantine.
- Le 29 Août, ils attaquèrent la tour.
Gadagne et Vivonne, bien que malades, prirent le commandement
de six cents hommes, pour délivrer la Tour de l'encerclement, M. Cadillan fut admirable de bravoure,
malheureusement, le comte de Nançay, marquis de Châtre, fut blessé, il décédera quelques jours plus tard.
Les pertes Turcs et Maures, furent importantes.
Une Galére désarmée.

- Toujours en correspondance avec certains membres du Conseil de Guerre,
le Roi adressait diverses missives et délègue un ambassadeur :
- Le 30 Août 1664, au Comte de Vivonne.
« Vivonne, sachant votre indisposition et la peine que vous auriez à guérir aux lieux où vous êtes... ».
Le Roi demande à Vivonne de rentrer en France immédiatement.
- Le 30 Août 1664, au Duc de Beaufort.
Le Roi envoie auprès du Duc le sieur de Lesseins,
Il demande au Duc de laisser dans le port de Gigeri,
deux vaisseaux, les moins bons voiliers, pour aller mouilliez devant Alger.
Les ordres étaient de faire la guerre aux barbaresques, pour qu'ils rendent tous les Français,
qu'ils détiennent en esclavage, rendent les prises et surtout envoi un émissaire pour un traité de paix.
« Sur la fin de vos victuailles, vous rendrez le bord à Toulon, et vous reviendrez auprès de moi. »
- Le 12 septembre 1664, au Comte de Gadagne.
« Monsieur de Gadagne, j'ai vu, par votre lettre du 25 Août le détail de ce qui s'est passé......
Je vous avoue que je n'avais point ouï parler de Bugie, dans les termes que vous m'en parlez...... »
Dans cette très longue lettre, le roi remercie l'ensemble de ses troupes, puis il termine par :
« Cependant, comme je sais qu'il y a quelques officiers qui ne règlent pas leurs discours selon mes intentions,
il est bon de les avertir que je suis bien informé......
Après avoir entretenu ceux qui viennent du lieu où vous êtes,
j'ai trouvé tous leurs rapports uniformes sur ce point-là, ils m'ont dit beaucoup d'autres choses,
qui ne s'accordent pas de même, mais je saurais bien dans la suite discerner la vérité. »
- Le 12 septembre 1664, au Chevalier de Clerville.
« Monsieur le Chevalier,
j'ai lu votre lettre du 26 Août, il ne faut point se mettre en peine de tout ce qu'on écrit ici,
ni de tout ce qu'on me peut dire, car je saurai bien démêler le vrai d'avec le faux..... »
La Polacre navire du XVIII, en Méditerranée.

Certains journalistes,
- cités dans la première page de cette expédition, assurent que Louis XIV, a caché cette affaire,
au point de masquer la mort de 2.000 hommes.
- Non, il n’y a pas eu de silence d’Etat, il suffit de lire, le Livre Journal d'Olivier Lefèvre d'Ormesson,
contemporain du Roi Louis XIV, publié par M. Chéruel en 1861.
Ce journal était pour l’époque, comme une chaine de télévision, qui ouvre sa Une, sur le scoop du jour.
- Dans ce livre, on trouve, entre autres, la trace de l'expédition de Gigeri.
Note : j’ai reproduit les articles de ce journal, sans changer la moindre syllabe ou consone.
Chronologie de cette année 1664.
- Le Mardi 19 Août 1664.
L'on parle de la descente des troupes du roy en Afrique, qui ont pris une ville nommée Gergily,
où ils se sont retranchés, il y a eu un grand combat contre les Maures, et l'on dit qu'il y a eu plus de
quatre cents des nôtres tués et 25 blesses.
M. Pussort fait valoir cette action comme le plus grand établissement que le Roy puisse faire pour
son ministère du commerce, M. Colbert.
L'on parle d'une grande bataille gagnée sur les Turcs, où l'on dit qu'il y a eu une quantité de Français tués.
On a très peu de détails, mais on dit que tous les Généraux, de part et d'autre, ont été tués.
Note :
Il s'agit de la petite ville de Gigeri, M. D'Ormesson tire ces informations d'un journal satirique,
Le recueil de Maurepas, qui calomniait Colbert dès cette époque.
Extrait de ce journal :
Colbert n'a pas assez de tout l'or de la France,...
S'il acheté Tanger et reprend Gergily, il n'aura point un jour d'égal en Barbarie....
- Le Jeudi 21 Août 1664.
Bataille du Saint-Gothard.
Ce jour, la nouvelle fut confirmée de la bataille contre les Turcs,
que les Français seuls,
avaient défait les Turcs, après que les Allemands s'en étaient tous enfuis, et qu'il y avait plus
de 8.000 turcs absolument défaits, peu de seigneurs tués, beaucoup de blessés.
Note :
Ce chiffres de 8.000 tués turcs, démontre qu'il s'agit de rumeurs, et non pas de réalité.
Monsieur de la Hode, précise dans son tome 27, de l'Histoire de Louis XIV, année 1664 :
«
Des auteurs indiquent que les pertes Turcs étaient de 17.000 hommes, sans compter les noyés,
c'est une pure exagération, une partie de l'Armée Ottomane, seulement avait franchi le Raab,
le chiffre de 8.000 hommes, me semble encore élevé. »
Le Point de Novembre 2012.
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