Algéroisement......vôtre
Le départ du transat.
Texte de M. Henri Batteau. (Vers 1930).
Outre ces randonnées,
- l’objet de notre promenade était très souvent la Gare Maritime,
où nous allions, selon la formule « voir partir le Transat ».
Si les bassins du port comportaient de nombreux postes d’amarrage,
l’essentiel des courriers qui assuraient la liaison avec la métropole utilisaient les gares maritimes,
construites en deux bâtiments jumeaux et parfaitement symétriques.
Celui de la Compagnie Générale Transatlantique où les navires mouillaient à gauche de l’embarcadère
et, à l’inverse, ceux qui appartenaient à la Compagnie de Navigation Mixte s’amarraient à droite.
Ces deux gares maritimes étaient séparées par une assez large esplanade,
qui servait à son extrémité
de mouillage pour les très grands paquebots qui touchaient Alger.
La Gare Maritime
En ces années vingt et trente,
- la liaison avec la métropole, essentiellement Marseille,
plus quelques navires de la Compagnie de Navigation Mixte qui reliaient Port Vendres,
était assurée par une série de bateaux que l’on pourrait appeler « les Gouverneurs ».
- Ainsi il y avait :
Le Gouverneur Général Jonnart.
Le Gouverneur Général de Gueydon.
Le Gouverneur Général Chanzy.
Le Gouverneur Général Lamoricière
(qui fera naufrage en 1942).
et puis aussi
le Timgad
pour rompre avec les Gouverneurs.
- Il faudrait aussi,
mentionner pour mémoire la S.G.T.M.V.
Société Générale de Transports Maritimes à Vapeur
et ses « Sidi Brahim » « Sidi Aïssa »
«L’Espagne » qui avait un défaut de construction
et présentait une gîte évidente.
C’était curieux de voir sortir ce navire penché sur son côté droit.
- On traversait le rez-de-chaussée de la Gare Maritime,
où s’opéraient d’ailleurs les formalités de douane et d’embarquement pour les passagers.
Il y avait une « tolérance » pour les accompagnants.

- On gagnait l’étage
par un large escalier, et là on débouchait sur une terrasse qui courait parallèlement au navire,
dont on se trouvait au niveau du pont des premières, lesquelles embarquaient d’ailleurs par une passerelle,
nettement plus large et plus élégante que l’autre, celle qui se trouvait au ras du quai et par laquelle
embarquaient les passagers, plus modestes, de troisième et quatrième classe.
Car il y avait des quatrièmes classes,
passagers de pont, d’entrepont ou de cale en cas de mauvais temps.
- Pour les enfants que nous étions,
cette terrasse de la Transat était un lieu d’exception, un monde d’émerveillement.
Nous étions là dans un univers qui n’appartenait pas au réel.
Sans doute était-ce la fascination du départ. . . . - Départ dont c’était chaque fois une répétition.
Le mythe du départ, du voyage, sévissait alors ; disons qu’il était dans l’air.
- C’était l’époque de Paul Morand, d’Albert Londres,
où Maurice Dekobra écrivait « La Madone des sleepings » ;
une chanson à la mode distillait l’envoûtement derrière son titre :
« Partir ».
Et puis il faut dire que mon frère et moi nous avions la nostalgie de la France.
Nous ne savions pas encore que nous étions profondément « hexagonaux »,
mais nous ne nous plaisions pas dans ce pays où les enfants étaient si différents de ceux du Roubaix
de notre prime enfance et nous menaient la vie dure à nous « francaouis » avec notre accent ridicule.
- Cette autre nostalgie de notre période algéroise ne devait apparaître que plus tard,
beaucoup plus tard, à l’âge où les souvenirs d’enfance sont parés de toutes les grâces.
Mais revenons à la terrasse de la Transat.- On s’accoudait à la balustrade,
dont j’ai l’impression, à plus de soixante ans de distance, de sentir encore le contact.
Elle était assez large et, de nos jeunes bras nous nous accrochions à son arête extérieure
en glissant nos pieds entre les colonnes ventrues et courtaudes.
Et de là, nos yeux se gavaient du spectacle.
- Cet alignement de passagers,
sur le pont des premières, passagers de luxe dont l’élégance révélait le plus souvent le rang social . . . .
Le Théodore Mante.
Le départ du transat se poursuit ......
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