Le drame de Mers-El-Kébir
le 3 Juillet 1940.
Catapult devient Boomerang ! .
Le ralliement des bâtiments de la Force H
- s'effectua à Gibraltar dans la journée du 30 juin 1940.
- L'Amiral Somerville
y arriva lui-même en fin de soirée à bord du croiseur Arethusa et arbora sa marque sur le Hood,
sitôt installé à bord du puissant croiseur de bataille, il signala à l'amiral sir Dudley North
« J'ai besoin de vous voir d'urgence.
Puis-je vous demander de venir à bord ? »
Amiral John Somerville.
- Provenant d'un amiral
beaucoup moins ancien que lui cet appel
avait quelque
chose d'insolite.
Mais entre John Somerville et Dudley North,
unis par des liens d'amitié qui remontaient à
leur entrée dans la Marine, les préséances
ne jouaient pas et sans la moindre hésitation,
le commandant en chef descendit de son Rocher
pour se rendre à l'appel de son camarade.
- Dans le luxueux appartement du Hood,
North interrogea Somerville :
« Que diable venez-vous faire ici ?
Quels sont vos ordres ? »
« J'ai honte de le dire... Nous allons à Oran, leur demander de se rendre, ou de se saborder.
S'ils refusent, nous avons l'ordre de les couler.
« Quand ? » répondit simplement North après un moment de silence.
- Somerville se leva,
ouvrit son coffre à documents secrets et tendit une enveloppe à son ami en lui disant :
« Voici l'exemplaire qui vous est destiné. Lisez-le... J'en suis malade ! »
North décacheta l'enveloppe lourdement scellée, déploya les feuilles et s'absorba dans sa lecture.
Quand il eut terminé, il releva la tête et demanda à son ami :
« James, prêtez-moi votre crayon. »
Puis, rayant d'un double trait le titre : Opération Catapult qui figurait sur la chemise,
il écrivit au-dessous de sa large et noble écriture : « Opération Boomerang »
H.M.S. Enterprise
- Somerville rompit le silence en sonnant son maître d'hôtel,
pour faire apporter du whisky, puis lorsqu'il eut empli les verres, il déclara :
« Si vous le voulez bien, Dudley,
nous tiendrons une conférence ce soir pour les commandants de la Force H.
Nous sommes les seuls avec Wells et Holland à avoir lu ces ordres. »
- La conférence fut dramatique.
Les trois amiraux étaient entourés par cinq capitaines de vaisseau.
En décachetant leurs enveloppes, les cinq officiers supérieurs demeurèrent stupéfaits.
Lorsque Somerville leur demanda, selon l'usage, d'exprimer leur avis,
ils furent unanimes à repousser l'idée d'employer la force contre leurs anciens alliés.
Après les avoir écoutés, Somerville reprit la parole :
« Ceci est la tâche la plus répugnante qui ait jamais été demandée à des officiers de la Royal Navy.
Mais ce sont des ordres. Si les Français refusent nos propositions, il nous faudra les couler... »
Les officiers supérieurs se levèrent et prirent congé en silence.
Le Hood navire-amiral de la Force H.
Les dés étaient pipés !
- Somerville rédigea
un long télégramme à l'amirauté exprimant les réserves formelles des commandants de la Force H
et des officiers de liaison revenus la veille des bateaux français.
Il proposait plusieurs modifications aux sommations prévues par « Opération Catapul »
afin de
les rendre plus acceptables et recommanda avec insistance que l'usage de la force soit évité à tout prix.
« Toute action offensive de notre part, retournerait contre nous tous les Français
où qu'ils se trouvent et transformerait un allié vaincu en un ennemi actif. »
- Quelques heures plus tard,
Somerville reçut la réponse de l'amiral Pound. Elle était aussi laconique que définitive :
« La ferme intention du gouvernement de Sa Majesté est que si les Français n'acceptent
aucune des propositions qui vous sont envoyées, leurs bâtiments doivent être détruits.
Vos propositions ne sont donc pas acceptables. »
- Le lendemain, 2 juillet 1940,
Somerville reçut le texte définitif de l'ultimatum qu'il devait
transmettre.
Il comportait les alternatives suivantes :
- Rallier un port britannique et continuer la guerre aux côtés de la Grande-Bretagne.
- Conduire les bâtiments dans un port britannique d'où les équipages seraient ensuite rapatriés.
- Conduire les bâtiments avec équipages réduits dans un port des Antilles où ils seraient :
soit démilitarisés, soit placés sous contrôle américain pour la durée des hostilités après
rapatriement de leurs équipages.li>Saborder les navires.
Le Mouillage de Mers El Kébir
à gauche, les contre-torpilleurs mouillés devant Saint-André le 2 juillet 1940.
- Sa proposition d'envoyer le capitaine de vaisseau Holland,
ancien attaché naval à Paris, à bord du Dunkerque pour remettre l'ultimatum en main propre
à l'amiral Gensoul et lui en commenter les termes, était acceptée.
Plus rien ne pouvait arrêter le cours des événements.
Depuis que l'amiral North et les officiers de liaison avaient quitté Mers el Kébir,
le dialogue entre les hommes de bonne volonté était terminé.
- La Force de Raid s'installait peu à peu dans sa position d'armistice.
- Sa composition n'avait pas changé, mais le transport d'hydravions Commandant Teste,
qui avait dû quitter le port d'Oran encombré pour faire place aux torpilleurs et aux avisos rentrés de
la mer,
en application des conventions d'armistice, s'était amarré à la dernière place disponible au bout de la jetée.
- De plus, les contre-torpilleurs Volta Mogador Le Terrible Kersaint,
étaient venus mouiller à côté du Tigre et du Lynx devant Saint-André.
Les mesures préparatoires au désarmement des navires avaient commencé.
Le départ des officiers de liaison anglais était diversement commenté.
- Les équipages, composés en majorité de Bretons, n'étaient guère anglophiles.
- Certains avaient assisté à l'évacuation de Dunkerque, tous en avaient entendu parler.
Le défilé lamentable du Corps Expéditionnaire britannique, pressé de se mettre à l'abri en Angleterre,
en plantant là les Français qui continuaient à se battre, alimentait les conversations.
- Rien de tel que les grands malheurs pour ressusciter les vieilles rancunes.
Le terme de « cochons d'Anglais » revenait de plus en plus souvent.
On les a vus ces salauds-là, comme ils se sauvaient à Dunkerque, et puis après à Nantes, à Saint-Nazaire !
Le Matériel laissé sur la plage de Dunkerque en Mai et Juin 1940.

- Quand ils parlaient de l'armistice, l'indignation des premiers jours avait fait place à la résignation.
- L'annonce des mesures de démobilisation avait versé un baume sur les blessures.
- Les rares renseignements sur la situation,
transmis par l'Amirauté, étaient commentés aux marins par les officiers.
- L'armistice était, parait-il, honorable.
- Ses conditions étaient acceptables et particulièrement avantageuses pour la Marine.
C'était le terme même employé par l'amiral Darlan dans un message.
La grande illusion
« qu'après tout les Fritz étaient peut-être pas si terribles »
commençait peu à peu à gagner du terrain...
La Petite Gironde du Dimanche 23 Juin 1940.
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