La journée du 24 Janvier 1960 à Alger
Le dimanche 24 Janvier 1960 (suite)
En cours de modification !!!!!
La Fusillade
A 18h,
- Les gendarmes mobiles commencèrent à descendre lentement les escaliers monumentaux
qui
dominent la mer et firent refluer les quelques manifestants qui trouvèrent sur leur chemin.
Et ce fut alors le drame
- un, puis plusieurs coups de feu éclatérent.
- Les gendarmes ont approvisionné leurs fusils, armé leurs mitraillettes, et commencé à tirer.
Ils sont pris sous le feu des balcons et des terrasses de la Compagnie Algérienne.
Ils sont gênés pour riposter par les frondaisons qui leur cachent les façades.
- La tête de la colonne de gauche
qui n'avait rencontré que peu de foule devant elle est arrivée très vite au bas du boulevard.
- Mais elle est soumise directement au feu du fusil-mitrailleur qui, de la terrasse de
la Compagnie Algérienne, balaie frénétiquement le trottoir d'en face.
- Les gendarmes de tête s'engouffrent dans la Poste par l'entrée de la rue Alfred-Lelluch.
- Le reste de la colonne,
laissant trois morts sur les marches mêmes de la Grande Poste, s'est éparpillé dans les rues transversales. Les blessés sont garés sous les porches.
- La colonne de droite
a passé en trombe sous les balcons des Unités territoriales,
Les armes automatiques y font rage.
- Six emplacements sont repérés par les gendarmes.
- Des pains de plastic piqués d'un détonateur sont lancés des fenêtres.
Une vingtaine de ces
engins élémentaires explosent, ne faisant pas grand mal,
mais leur souffle jette les hommes à terre.
Un gendarme qui en reçoit un sur la cuisse est projeté à quelques mètres.
- Quand la colonne,
arrive au coin de la rue
Charles-Péguy, elle est prise en écharpe par les armes de la barricade.
Des hommes tombent. Le reste reflue.
- Un paquet de gendarmes,
passant plus au large, a dépassé la trouée meurtrière
et débouche au bas de la perspective,
là où il devrait trouver les bérets rouges de
Broizat. Les bérets rouge ne sont pas au rendez-vous, pas plus que n'y étaient les
bérets verts de Dufour.
Cette photo a été prise durant les manifestations qui ont suivit la semaine des barricades en 1960
Elle a été prise dans la rue Michelet.
Les C.R.S. se repilient .
Le colonel Debrosse donne a ses C.R.S. l'ordre du repli.
- La retraite vers les escaliers commence.
Ce n'est plus seulement de la barricade et de l'immeuble de la Compagnie Algérienne que l'on tire.
Des fenêtres des appartements bourgeois, des bras se tendent, des coups de pistolet claquent.
- La nuit commence à tomber, mais les lampadaires à incandescence se sont allumés à l'heure réglementaire, comme si rien ne se passait.
- La majeure partie de la colonne de gauche s'est diluée dans les immeubles ou
rabattue sous le couvert des arbres.
- Pour la colonne de droite, le mouvement de
reflux s'effectue en rasant les murs, par bonds, d'encoignure en encoignure. Le
passage de la transversale qu'est l'avenue Pasteur est particulièrement difficile.
- Des rafales de fusil-mitrailleur la balayent. Elles peuvent provenir de la Faculté,
comme de la petite rue qui passe derrière le lycée Delacroix.
- Les gendarmes parleront par la suite du traquenard qui leur a été tendu,faute d'avoir été couverts sur leur droite.
Un haut-parleur hurle : « Arretez le feu! »
Dès le début,
- la fusillade a porté Ortiz au balcon de son P.C.
Il s'est précipité au téléphone, a appelé la Délégation générale, réclamé impérieusement que « l'ordre de cessez-le-feu soit donné aux C.R.S.
- Lagaillarde, lui, est à son bureau, quand il entend le bruit étouffé de la mitraille.
Il sort précipitamment, court faire le tour de son dispositif.
Il interdit à ses hommes
d'ouvrir le feu sans son ordre absolu.
- Mais n'ont-ils pas déjà tiré?
Lagaillarde jure, que non.
Les gendarmes passent à quelques mètres d'une petite barricade qu'il a placée au débouché de la rue Edouard-Cat sur le boulevard Pasteur.
Guy Forzy
y accourt pour interdire là aussi au poste de garde de tirer.
- Lui aussi assure formellement qu'aucune rafale n'est partie du camp.
A 18 h 35,
- alors que l'on se fusille depuis vingt-cinq minutes, un haut-parleur se met soudain à hurler:
- Arrêtez le feu ! Nous nous tirons les uns sur les autres! Vous êtes fous!
C'est, au balcon du journal militaire le Bled, le micro qui aurait pu être si utile.
La fusillade se calme provisoirement.
- Nous nous tirons dessus entre manifestants, ont compris les émeutiers. (Ce qui est d'ailleurs vrai.)
- Nous nous tirons dessus entre Français, a voulu dire le commandant Tardy, rédacteur en chef du Bled.
Jusqu'ici, il n'a pas pu approcher de son balcon. Tant que les gendarmes ont
été sous ses fenêtres, la façade était continuellement balayée de projectiles.
Les Paras arrirvent.
A 18 h 45, une jeep militaire s'arrête devant la grille du monument aux morts.
Un colonel à béret vert en saute et, avec les bras, fait signe de cesser le feu. Les
fusillades sporadiques s'arrêtent alors.
Derrière, encore assez loin, les légionnaires du 1er Etranger de parachutistes
s'avancent enfin, à pied. Il y a près d'une heure qu'ils étaient à six cents mètres de
là, place Lyautey.
Les gendarmes voient arriver les paras avec des regards lourds de reproches.
A peu près à la même heure, par le boulevard Baudin, au bas du boulevard Laferrière, apparaissent, montant à pas très lents, les bérets rouges du 1er R:C.P. Les
applaudissements éclatent parmi les manifestants. On acclame les paras, en alliés,
en sauveurs. Au terme de cette victoire, dangereuse, sur les forces de l'ordre, ils
apparaissent en arbitres.
Le colonel Broizat fait tendre un barrage méthodique jusqu'à la Grande Poste.
Une dernière balle perdue blesse en séton un de ses capitaines.
Broizat s'interpose pour arrêter des scènes de lynchage, délivrer des gendarmes
assiégés. Il les fait désarmer devant les émeutiers en armes. Il fait appeler des ambulances. Les effectifs de deux escadrons gisent morts et blessés dans les jardins...
Des blessés sont couchés sur le carreau du hall du Bled.
Le lieutenant Ejarque agonise:
- Il y a vingt-quatre mois, souffle-t-il,
que je me bats contre les fellagha.
- Je meurs assassiné par des gens qui crient Algérie française ! Comprends pas!
Debrosse, qui redescend les escaliers de la Délégation où il a été appelé pour
rendre compte, tombe sur un commandant de légion qui interpelle les gendarmes:
- Remontez donc au Forum. Vous ne servez qu'à provoquer les manifestants.
Debrosse s'interpose:
- Occupez-vous de vos paras. J'ai ordre de tenir jusqu'à l'avenue Pasteur. J'exécute.
- Et dites-moi plutôt où est votre colonel !
Dufour est devant le Bled. Rencontre sans aménité.
- Où étiez-vous pendant que nous nous
faisions tirer comme des lapins !
- Vous êtes content! ,Vous avez voulu
passer outre à l'accord que Challe et Delouvrier avaient passé
avec les dirigeants de la manifestation. Des tas de morts...
- Quel accord ! Moi, je suis militaire et j'exécute les ordres qu'on me donne.
- J'avais celui de descendre et je suis descendu. Vous deviez marcher avec moi.
Vous n'êtes pas venu.
- Je n'avais pas d'ordre. C'est moi-même qui suis descendu du Telemly en
entendant la fusillade !
- Il vous a fallu quarante minutes en camion pour descendre du Telemly !
- Il en fallait quatre ! Puisque vous n'avez pas d'ordre, allez en demander
- Il y a un téléphone au Bled.
Finalement, du palais Bruce, le colonel Fonde ordonne aux gendarmes de remonter
au Forum panser leurs blessures. Mais il reste au moins l'effectif d'un escadron
gisant dans les jardins, bloqué dans les couloirs d'immeubles, assiégé. Après une
nouvelle scène violente, Debrosse escorté d'un adjudant de paras va délivrer les
assiégés, pendant qu'on appelle des ambulances.
A ce moment, Lagaillarde arrive devant le Bled.
Une bande de jeunes manifestants, l'arme au poing, sont sur le trottoir.
- Il y a à l'intérieur un salaud qui, disent-ils, les a nargués pendant la fusillade. Faut qu'on le descende !
Ils essaient de forcer la porte. Debrosse téléphonait à sa femme pour la rassurer.
- Couchez-vous, mon colonel! lui crie un adjudant.
Une balle lui siffle aux oreilles. La vitre vient de voler en éclats. Une glace
s'effondre.
Un zouave qui sert de radio au colonel - le radio de la gendarmerie ayant été
blessé - dégaine son pistolet et tourné vers la fenêtre crevée s'écrie:
- Celui-là, je me le paye! .
Celui-là, c'est Lagaillarde, la mitraillette en travers de la poitrine, dont la barbe
et l'uniforme para s'encadrent dans la croisée vide.
Debrosse repousse dans sa gaine le pistolet du zouave. Il a l'impression, sur
l'instant, que c'est Lagaillarde qui a tiré sur lui et il en fera un rapport.
En réalité,ce sont les jeunes manifestants qui ont
tiré. Lagaillarde est en conversation avec le colonel Dufour qui veut installer son
P.C. au Bled.
-- J'ai déboulé dès que j'ai entendu la
fusillade, lui raconte Dufour.
- Nous nous sommes interposés pour faire cesser le
feu. Ne vous énervez pas.
- Ce n'est pas la peine que les gens s'inquiètent.
- Nous sommes là !
la barricade avant les èvènements.
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