Relations entre la France et la Régence d’Alger
1606 - 1629 (suite)
- Depuis la mort du Consul Chaix,
il n'y avait plus de représentation française dans la Régence d'Alger, le Roi se décida à utiliser les talents
du Capitaine Sanson Napollon, gentilhomme et chevalier de l'ordre de Saint-Michel.
- Le 14 Janvier 1626, il nomme Napollon comme représentant légal,
pour négocier auprès de la Régence, et lui remet une somme de quinze mille livres, pour ses frais et les présents.
- Le 20 juin 1626, Napollon arrive à Alger, avec une commission royale, et, pendant 27 mois,
il voguera entre la France et Alger, pour trouver les arguments financiers de ce futur traité de commerce,
- Pendant les négociations, il comprit rapidement que les véritables Maitres d'Alger n'étaient pas les Pachas,
mais que le véritable pouvoir était aux mains de la Taïffe, c'est à dire, des Reïs, de l'Agha et de la milice.
- Laissant de côté le Pacha,
auquel il se contenta d'offrir des présents, il négocia avec les Reïs d'une maniéré ouverte,
en démontrant les dangers financiers qu'ils encouraient à se fâcher avec la France.
- Apres de nombreuses négociations à tous les niveaux, il soumit au Roi, le futur traité, le 6 Novembre 1627,
Le Roi donna son accord sur le montant du rachat de chaque esclave chrétien, négocié à 200 livres, au lieu
de 600 livres et sur les montants des rentes alloués au Pacha, à l'Agha, aux Reïs, etc.
Alger Débarquement des captifs chrétiens.
- Mais ce fut les communes de Provences,
qui réglèrent la note finale pour un montant de 82.190 livres, auquel, il faut ajouter, tous les frais divers de
ces 27 mois de négociation et surtout les primes allouées aux chefs de la Régence pendant la négociation.
- La seule ville de Marseille déboursa la somme de 72.000 livres juste pour la signature du traité.
- Dans les livres de compte de la ville, figurent les primes alloués aux seigneurs d'Alger :
- Versé au Seigneur Amoda, trésorier de la milice, la somme de 26.000 livres.
- Versé au Bacha d'Alger, la somme de 10.000 livres.
- Versé au Cahya, lieutenant du dit bacha, la somme de 2.500 livres.
- Versé à l'Agha, chef et général de la milice, la somme de 4.500 livres.
- Versé à plusieurs Reis, la somme de 7.000 livres.
- Le traité financier fut signé le 19 Septembre 1628.
Il était spécifié que les concessions françaises du Bastion,
de La Calle, et du commerce avec Bône, seraient protégées par la Régence.
Il est dit que les fortifications du Bastion pouvaient être relevés,
et, les bateaux transportant le corail trouver un asile dans tous les ports de la régence.
La redevance annuelle sera de 18.0000 livres qui seront versée à la Milice et au trésor de la casbah.
La clause suivante fut introduite par le Divan :
Pour récompense des services rendus par le capitaine Sanson, il en sera le chef (du Bastion),
et, commandera les dites places sans que l'on en puisse mettre un autre jusqu'à son décès.
- Dans ce Traité, tout le monde y trouvait son compte.
La baie d'Alger.
Malgré ce traité,
le commerce français subit une perte de 4.752.000 livres, pendant la période de 1629 à 1634,
les attaques n'avaient plus lieu en Méditerranée, mais, sur les côtes de l'océan.
- Les causes de cette expansion de la piraterie sont dues à plusieurs raisons :
- Changement de la politique intérieur d'Alger, la milice prend le pouvoir.
- Recrudescence du fanatisme religieux et de la haine des chrétiens, par l'arrivé des Maures bannis d'Espagne.
- Amélioration de l'armement naval.
- Nécessite de suffire aux besoins d'une population sans cesse croissante, par le retour des Maures d’Espagne.
- Epuisement de l'Espagne sans cesse attaquée.
- Les Reïs renégats, qui privilégiaient l'attaque des vaisseaux marchands et le pillage des côtes.
- Le vrai chef à Alger était en 1630, Ali Bitchnin, Amiral des Galères et Chef des Reïs,
il rêvait de devenir le Roi d'Alger et de se rendre indépendant de la Porte.
La Course était arrivée à son apogée,
jamais les Reïs d'Alger n'avaient été aussi nombreux, aussi audacieux et surtout aussi riches.
Navire Français gravure de Pierre Puget
1630 - 1660.
- En 1633, à la mort de Napollon, la discorde repartait de plus belle.
- Le 9 Décembre 1633, le Roi Louis XIII, nomma le Capitaine Sanson Le Page, pour succéder à Sanson Napollon.
Sanson Le Page embarqua pour Alger, le 12 Juillet 1634, et rencontra quelques jours plus tard, le vieux Pacha Hosseïn,
qui sera remplacé quelques jours plus tard, par la Pacha Youssouf.
Malheureusement aucun accord n’eut lieu, Sanson Le Page accosta à Marseille, le 9 Octobre 1634.
- Le 7 Mai 1635, Louis XIII ordonna, la formation d'une escadre contre les pirates de la Méditerranée,
les populations des côtes françaises furent invitées à former des milices et à prendre des mesures pour
éviter les razzias des Barbaresques.
Note : Il faudrait plusieurs volumes, pour narrer l’ensemble des razzias, pratiquées par les Barbaresques,
sur les rivages de la méditerranés à cette époque, en voici deux exemples :
- Aout 1636, les Barbaresques enlèvent 700 personnes, lors de la foire annuelle de Messine.
- Au printemps 1637, ils attaquent la Sardaigne, pillent et brulent Ceriale et Borghette, ils enlèvent 500 captifs.
- Le 10 Juin 1636, l'escadre française, attaque les pirates, coulent des galères et ramené avec elle cinq bâtiments ennemis.
- Le 7 Novembre 1637, Le commandeur de Mantin quitte Toulon avec douze gros navires et prend la direction d'Alger,
amenant avec lui Sanson Le Page, qui avait eu des directives du Roi.
Malheureusement, une fois de plus la tempête sévit, finalement c'est seulement deux navires qui arrivent devant Alger,
le 19 Novembre 1637, sans ordre, ils rebrousseront chemin vers Marseille.
Navires Français en rade de Marseille gravure de Pierre Puget
- A Alger la situation se complique,
le 8 Décembre 1637, M. Piou et M. Massey sont arrêtés, menacés d'être brulés vifs et finalement incarcères.
- le Divan décrète :
- La Paix est officiellement rompu.
- Les établissements français seraient détruits et ne pourront jamais être reconstruits.
- Le 13 Décembre 1637, le Reïs Ali Bitchnin détruit le Bastion de France,
une partie de la garnison est tuée, 367 Chrétiens sont conduit au bagne.
- Devant les injures répétées de la Régence,
à la cour du roi, on parlait d'anéantir ces pirates par un débarquement de troupes, mais la situation en Europe,
fit pencher la balance, vers une demande de modification du traité de 1628.
- Cette nouvelle destruction des concessions françaises resta impunie,
car la France était en guerre contre l'Espagne, heureusement pour notre commerce,
cette destruction provoqua le soulèvement des tributs qui refusent de payer l'impôt.
- La flotte barbaresque fut battue devant le petit port de Velone, par les Galères de Venise.
4 galères coulées, 12 galères prises par les Vénitiens, deux brigantins capturés.
Les barbaresques perdirent 1.500 hommes, et les Vénitiens rendent la liberté à 3.634 captifs chrétiens.
Seul, le Reïs Ali-Bitchnin sauva sa vie, mais il supportera le poids de la défaite.
- Pour couronner cette lourde défaite,
la révolte de l'Est continuait, à l'été 1639, une nouvelle colonne de turcs fut battue, et le Divan conclus des accords,
avec les Kabyles, une des conditions émises par les tributs était la reconstruction du Bastion de France.
Combat avec des Galéres vers 1640.
- C'est Jean-Baptiste de Coquiel,
aidé par M. Thomas Picquet, qui ouvrirent des nouvelles négociations avec le Divan.
- Le 7 Juillet 1640, M. de Coquiel,
signa avec Ioussouf Abou Djemal, la convention relative aux Etablissements du Bastion de France.
- Dans cette convention, on trouve l'article 23 qui spécifie :
Les établissements du Bastion seraient respectés, même en cas de guerre avec la France,
et, que tous ceux qui parleront de la rompre, seront obligés de payer les 34.000 piastres doubles tous les ans.
- Sans attendre l'autorisation royale et l'approbation du traite,
les nouveaux concessionnaires occupèrent les Etablissements et se mirent en devoir d'en réorganiser le négoce.
Mais, le Cardinal de Richelieu n'approuva pas les termes du nouveau traité signé avec la Régence d'Alger.
- La situation de la Régence n'était pas très brillante.
- La révolte Kabyle n'avait pas cessé et gagnait du terrain.
- La peste continuait à ravager le pays, tuant plus de 15.000 personnes à Alger.
- Même, le Grand Reïs Ali Bitchnin, avait des ennuis, la petite histoire,
nous dit qu'il mourut empoissonné, toutefois on lui fit des funérailles royale,
et, son frère Sidi Ramdan hérita de ses biens et de son pouvoir.
- Pendant ces années, le rôle de la France avait été bien effacé,
l'agent du Bastion, Thomas Picquet, qui remplissait les fonctions de vice-consul, avait vu respecter sa personne
et ses biens, mais il ne jouissait d'aucune influence.
- L'arrivée des Consuls Lazaristes de Saint Vincent-de-Paul ne va pas arranger les affaires de la France.
Alger rachat des esclaves chrétiens par Jean de Matha1.
- C’est en 1625, que Saint Vincent de Paul fonda,
dans la chapelle Saint Lazare à Paris, la Congrégation de la Mission, les prêtres adhérents sont appelés Lazaristes.
Dans cette Congrégation, l'œuvre pour les esclaves avait un part très importante,
la première préoccupation des Lazaristes, étaient de soulager la misère des captifs chrétiens.
- En 1645, profitant que la charge de consul d'Alger n'était pas exercée directement par M. Balthazar de Vias,
il obtient du roi, l'autorisation de la lui racheter et de la faire gérer par un membre de la Congrégation.
Note :
Parmi les captifs, il y avait deux catégories très tranchées :
- Ceux dont on espérait une grosse rançon et les esclaves chargés des pires besognes.
On laissait aux premiers leurs vêtements et une certaine liberté,
ils pouvaient écrire aux Consuls, aux Gouverneurs, aux armateurs en France.
- Pendant les quinze dernières années de sa vie, Saint Vincent de Paul,
racheta 1.200 captifs chrétiens pour un montant de plus de un million de livres.
- Dans une lettre adressée aux consuls et aux gouverneurs de la ville de Marseille,
M. Donnat Brémond, captif à Alger, écrit le 4 Févier 1640 :
Depuis ma dernière lettre, il a été pris un vaisseau de Saint-Malo, riche de cinq cent mille piastres,
un vaisseau Anglais, riche de 1.000.000 de piastres, qui appartenait à des armateurs de Saint-Malo,
une barque de Martigues, chargée de soie, valant plus de huit milles écus, l'équipage a été vendu.
Ces lettres se terminaient par l’espérance de recevoir bientôt le montant de la rançon réclamée par le Divan.
La Chapelle des Lazaristes.
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